« C’est l’ami américain et le plus français des photographes new-yorkais. Je l’ai rencontré la première fois en 1970 au Pérou sur le tremblement de terre, il revenait du Viêtnam, il avait 20 ans. Je ne l’ai pas oublié, au moment de la scission Gamma/Sygma, j’ai tout de suite pensé à lui. On voulait l’envoyer au Chili, il ne voulait pas partir, on a réussi à le convaincre finalement d’aller à Santiago, de partir « à la française », sans garantie. Il ne le regrette pas aujourd’hui. Ses photographies sont des documents incontournables. Il m’a accompagné pendant le tournage du film 1974, une partie de Campagne. Je suis content d’exposer ce reporter talentueux, avec son regard américain sur les campagnes présidentielles de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand de 1974 à 1981. Et son regard « à la française » sur ces événements terribles du Stade de Santiago au Chili au moment de la chute d’Allende en 1974. »
Raymond Depardon

Politique.S, 1973-1977
En 1973, la présidence du socialiste Salvador Allende a trois ans d’existence. L’Unité Populaire qui tente d’imposer une réforme agraire au Chili et l’autonomie de l’économie est loin d’attirer toutes les sympathies. L’administration républicaine du président américain Richard Nixon voit d’un mauvais œil s’installer un régime de gauche dans cette partie du monde. Elle appuie les militaires chiliens qui s’y opposent. Le 11 septembre, le général Augusto Pinochet renverse le gouvernement d’Unité Populaire dans un coup d’État sanglant au cours duquel Salvador Allende trouve la mort à Santiago du Chili, dans le palais présidentiel de la Moneda. Nombre de ses compatriotes sont arrêtés et torturés. David Burnett, qui vient d’entrer à l’Agence Gamma, est encouragé à partir pour le Chili par Raymond Depardon et Robert Pledge, qui avaient couvert les débuts de la présidence Allende deux ans auparavant. Il arrive dans la capitale chilienne quelques jours après le coup d’État mais va rattraper l’actualité dans un reportage ramassé et émouvant, avec l’une de ces images symboliques qui traversent les décennies : un jeune prisonnier encadré par les militaires dans les sous-sols du stade national de Santiago. Entre 1974 et 1977, David Burnett se rend fréquemment en France au rythme des échéances électorales, pour le compte notamment du magazine Time auquel il collabore depuis ses reportages initiatiques au Viêtnam (1970-1972). Il accompagnera régulièrement Valéry Giscard d’Estaing, intrigué par cet Américain atypique parlant français. Aux côtés du cinéaste Raymond Depardon, il couvre la campagne présidentielle de 1974 de Giscard dans une proximité qui laisse rêveur, à milles lieues des obligations de placement et des scènes toutes faites fabriquées aujourd’hui pour la télévision par les conseillers en communication. Burnett suit également François Mitterrand, qui commence à croire à son destin, prend Jacques Chirac au vol, parfois avec Bernadette, lors de son assaut réussi de la mairie de Paris en 1977. Il fait aussi le portrait des philosophes  Raymond Aron et Michel Foucault. David Burnett reviendra en 1981 pour la campagne de François Mitterrand aux présidentielles. Ses voyages en France vont finir par s’espacer. L’actualité le poussera vers de nombreuses autres contrées et il va se concentrer par la suite sur la politique américaine et ses campagnes présidentielles. Il demeure cependant le plus français des photographes américains vivant aux États-Unis.
Commissaires de l’exposition : Raymond Depardon et Robert Pledge.