Édition 2006

JEAN-MARC DUROU

J’ai envie de hurler !

« Je tenais à ce qu’il soit un compagnon de route, malgré notre rencontre tardive il y a seulement une dizaine d’années. C’est le contraire du reporter qui passe et qui ne revient jamais, c’est quelqu’un qui aime particulièrement l’être humain et surtout les nomades. Il a été très ami avec Théodore Monod, il a cette même tendresse, il ne vient pas faire des photos parce que c’est beau et que les gens sont photogéniques, il a épousé la cause de ces hommes. Il implique sa famille dans cette passion. Il est né sur leur terre, il connaît toute leur histoire, c’est un merveilleux conteur, il aime les Africains. De plus en plus comme moi, il revient en colère de ses voyages. Impuissant ! Pire que moi, il ne peut aller nulle part ailleurs. Je ne sais pas ce qu’il restera de ses photos, mais c’est un grand visionnaire, le meilleur ambassadeur des nomades du désert. »
Raymond Depardon
 
J’ai envie de hurler !
6 heures du matin, Roissy-Charles-de-Gaulle, T9. Je reviens de l’Azaouak, une région d’Afrique aux limites imprécises entre Sahara et Sahel, une région comme oubliée dans l’équation du temps. Il a fallu 4 h 30 de vol pour arriver jusqu’ici. Seulement 4 h 30. À peine croyable. Toujours ce même choc à l’arrivée. À chaque fois, c’est la même chose, j’ai beau me préparer à ces petits matins froids et brumeux, aux sols blancs et lisses où glissent les chariots métalliques, aux lumières propres des néons, à la foule clopant bien alignée dans l’attente d’un taxi. Ces taxis que l’on guette et qui arrivent à l’assaut. Vite ! Une nouvelle course vers Paris qui coûtera sans doute plus de quatre mois de revenus de n’importe quelle famille nomade du pays d’où je reviens.
À chaque fois, j’ai beau savoir, c’est la même secousse, c’est le même fracas à l’intérieur. Si les Touaregs aiment à répéter que le désert est un miroir et que chacun peut l’emporter au fond de soi-même, je pense y être arrivé. Ce matin, j’ai entraîné le désert avec moi et j’ai envie de hurler. Mais serai-je entendu ? Là-bas, ceux que j’ai côtoyés n’ont ni route ni médicaments, encore moins de dispensaire et d’école. Ils ont l’ingéniosité, et quelle richesse ! C’est cette malice qui leur a permis de vivre dans un biotope aussi aride. Comme disent les Peuls, « nous ne faisons que passer, sans laisser de trace ». Pour ces hommes de ce bout du monde pourtant si proche, j’ai envie de me battre. Ici comme ailleurs l’homme restitue à l’homme son contenu d’humanité et ne peut me laisser indifférent. Personne ne peut l’être. Aimer le désert, c’est crier pour que ces hommes ne disparaissent pas sans témoin, broyés et oubliés d’hier, oubliés d’aujourd’hui, oubliés de demain.NON. L’homme du désert est fragile, il n’a pas l’éternité d’une dune sur laquelle chaque matin le vent efface la trace pour la faire renaître. 
Jean-Marc Durou

Exposition produite par les Rencontres d’Arles avec le soutien du laboratoire Dupon et de HP.

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