Depuis dix ans, Osamu Kanemura photographie les paysages urbains dans leur matérialité immédiate. Il s'agit pour lui de montrer la vraie personnalité de ces villes oubliées par leurs habitants. Ce regard étranger transforme la banalité du quotidien. Osamu samu Kanemura a conquis sa réputation à l'étranger grâce à ses premiers travaux sur les signifiants de l'urbain, à l’occasion de la Biennale de la Photographie de Rotterdam en 1992, tout d’abord, puis dans le cadre de l'exposition « New Photography 12 » au MoMA, en 1996. Le travail d’Osamu Kanemura, emprunt d’unau charme exotique certain, met en valeur de manière très concrète une perte des signifiants légués par toute une histoire, une mémoire. Ainsi ces images évoquent-elles un « vernaculaire anonyme » qui ne sera jamais sublimé par la culture. Ce qui obsède Osamu Kanemura dans la ville japonaise, depuis l'effondrement de l'économie nationale, ce n'est ni la mode, ni l'architecture ultramoderne, symbole d'une société d'information avancée, ni les coins branchés, bruyants, ou lieux de loisirs des centres-villes. Ses photographies isolent des signifiants urbains résiduels, qui à la fois dominent et se neutralisent. Ne reste que l'écho d'un vacarme, dénué de sens. Ces images morcelées de villes réduites en produits dérivés de la société capitaliste industrialisée, affirment impitoyablement que ces sites, habités par des gens désormais dépourvus de toute conscience sociétale, sont des « ruines sans mémoire ». Il s'agit d'une critique aussi objective que concrète de l’impasse sociale japonaise, de l'illusion d'une évolution positive au sein de la civilisation contemporaine. Nous habitons déjà des ruines où l'émotion n'a plus sa place.
Shino Kuraishi pour BLINK