Édition 2005

MARIO CRAVO NETO

…L'instant éternel

(…) Comme des piédestaux intégrés aux sculptures qu'ils portent, les images essentielles de Cravo Neto font penser à des offrandes posées avec émotion sur l'autel de l'ordinaire, à des allégories faites d'éléments d'une équation présentée sans préambule ni narration. Sur l'ultime socle de peau nue, des amulettes servent de médiateurs entre le monde des perceptions et le monde matériel. Le regard de ses sujets, le photographe le masque à l'aide d'une écorce de tortue, d'un os, d'un œil d'oie, de doigts ou de mains. La tête est faite de sphères, le cœur de pierre, les cheveux tombent comme un voile, la gorge est en forme de colonne, les oiseaux de Bahia rayonnent de leur sacrifice promis. Des poings tambourinent un rocher, font sortir son langage. La pensée traverse en sillons le champ de l'âme. Une pierre lisse jaillit d'une oreille, incandescente comme un nautile dans le poids éphémère du silence d'Angela, sa femme, son modèle, sa muse, artiste elle aussi. Ces choses ne demandent pas d'autre contexte, elles sont complètes, autonomes. Dans le mystère de ces photographies, juste en deçà de la zone d'ombre, des figures-esprits surgissent comme des parents protecteurs. Bouches dont la parole sort sous forme d'œuf, ventres remplis d'enfants, seins débordant de lait et de promesse, innocence des tout jeunes, vanité de ceux dont la jeunesse n'est plus. Pris dans l'instant éternel, rendus sages par l'absence de tout artifice, de toute ruse, ses sujets se tournent vers lui avec l'intensité brisée d'un enfant, ou bien, oublieux de sa présence, détournent leur regard.
Parfois blessés – il arrive aux enfants guerriers de dégringoler – leurs têtes reposent dans l'espace sombre entre deux mains. (…) Fils de sculpteur, il est lui-même devenu sculpteur. Il y a une trentaine d'années, il concevait, exécutait, photographiait des rituels. Torches en rangée sur la vaste savane, feu et cendres cernant une zone de culture sur brûlis : forger le premier lien entre ces projets pour sites spécifiques, pour les installations ultérieures et les photographies qui ont fait sa réputation, consistait à présenter un nid tout en fils translucides de fibre de verre ramassés par quelque oiseau-architecte dans le quartier de Bahia où se trouve son atelier. Il s'agissait alors d'insérer le nid, comme le cœur arraché d'une figure de saint illuminée, dans un reliquaire en Lucite sur fond de bâches pourries, et de consigner le tout sur pellicule. Deux ans plus tard, il a fait l'image de ce qui restait de son matériel professionnel, volé, incendié, abandonné dans un coin lointain du cimetière de Campo Santo. Ce défilé muet d'outils anéantis – appareils Hasselblad, Leica, Nikon, objectifs, boîtiers, filtres – il en a montré le gâchis sur un autel aveugle se dégageant de bâches suspendues dans un espace obscurci. Reliques des rituels de l'art contemporain, ces images sont, il y a longtemps déjà, devenues un art à part entière. Fils de Bahia, Mario Cravo Neto célèbre le peuple africain du Brésil, connaît intimement les divinités du candomblé yoruba – Exu, Ogun, Oxossi – dont la sagesse protectrice l'accompagne à chaque pas.
Edward Leffingwell

Exposition réalisée avec le soutien de l’Association Française d’Action Artistique.

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